Dans les médias, un nouvel ennemi de la santé se retrouve au banc des accusés : la sédentarité. Plusieurs lui attribuent le même pouvoir meurtrier que le tabagisme. Mais est-ce que la sédentarité engendre autant de décès de nos jours que le faisait Al Capone dans les années 20 ? Certains rapports et études scientifiques laissent croire que « oui » et pourtant un récent consensus scientifique arrive à une conclusion différente.
La sédentarité, l’inactivité et les personnes âgées
La sédentarité représente la somme des comportements sédentaires (assis ou allongé) en période d’éveil générant une faible dépense énergétique (à peine plus que le sommeil, mais moins que passer le balai). Les personnes âgées occupent entre 65 et 80 % de leur temps d’éveil à des comportements sédentaires (moyenne d’environ 9 heures/jour) [1]. Au Canada, la statistique se situe autour de 10 heures/jour consacrées à la sédentarité et seulement 15 % des personnes âgées sont considérées actives [2]. Être actif indique que la personne atteint les recommandations de 150 minutes par semaine d’activités physiques à une intensité de modérée à vigoureuse. En revanche, on dira que la personne est inactive si elle ne rencontre pas cette charge d’activité physique. Attention, il est important de noter qu’inactivité n’est pas un synonyme de sédentarité!
Les méfaits de la sédentarité
Dans la dernière décennie, on observe une explosion des études qui démontrent que la sédentarité possède des effets néfastes et distincts sur la santé [3]. Spécifiquement chez les personnes âgées, il existe plusieurs associations entre la sédentarité et une diminution de la santé cardiométabolique, de la qualité de vie, de la capacité fonctionnelle, en plus d’une augmentation de l’incidence de maladies chroniques (ex. : diabète, cancer…) et de la mortalité [4].
Bouger = diminuer la sédentarité?
Certaines études réalisées avec des modèles statistiques théoriques ont révélé que remplacer du temps de sédentarité par de l’activité physique, peu importe l’intensité, améliorerait la capacité physique [5] et réduirait les risques de mortalité [6]. Dans la réalité, augmenter l’activité physique ne réduit pas automatiquement la sédentarité. Prenez l’exemple de Joséphine qui s’entraîne 30 minutes tous les matins de la semaine. Sur une semaine, cela fait 150 minutes et fait d’elle une personne physiquement active. Cependant, elle se rend au boulot en auto, travaille assise toute la journée et regarde la télévision en soirée. Elle peut facilement dépasser les 8 heures de comportements sédentaires par jour, ce qui permet de dire qu’elle est aussi sédentaire. Ce phénomène se nomme « active couch potato » [7].
Pour leur part, l’équipe de Gennuso (2013) a démontré que de cumuler les 150 minutes recommandées n’était pas suffisant pour contrer les effets nocifs d’un temps de sédentarité élevé (+10 heures/jour) sur la santé cardiométabolique et la capacité fonctionnelle [8]. Néanmoins, l’étude récente de Stamatakis (2019) allègue que plus vous faites d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse, plus les risques de mortalité diminuent chez les personnes très sédentaires (>8 heures/jour) [9]. Selon cette même étude, si vous demeurez très sédentaire, vous devez effectuer plus de 420 minutes d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse par semaine pour neutraliser l’effet négatif de la sédentarité. Cela fait beaucoup de minutes, si vous êtes parmi les 85 % des personnes âgées qui n’atteignaient pas les 150 minutes d’activité physique par semaine.
Est-ce que la guerre est perdue?
Certainement pas! Vous devez simplement viser une combinaison avec davantage d’activité physique et moins de sédentarité. Côté activité physique, incorporez plus d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse à votre quotidien en visant de vous rendre aux 150 minutes recommandées par semaine après un certain temps. Côté sédentarité, devez-vous simplement diminuer le temps total ou la briser en petit bout durant la journée? Encore beaucoup de recherche demeure nécessaire pour identifier les meilleures stratégies. Vous pouvez aisément débuter en ajoutant des marches à votre quotidien le plus souvent possible, par exemple lors de vos pauses et après les repas. Cela ne fera pas de vous un athlète olympique, mais vous obtiendrez des bénéfices à coup sûr.
Conclusion
En fin de compte, la question subsiste : la sédentarité est-elle une meurtrière en série? Un groupe de chercheurs provenant des États-Unis, de l’Australie et du Canada ont analysé les données sur les risques de mortalité prématurée. En 2018, ce risque augmentait de 10 à 20 % avec une sédentarité élevée comparativement à 180 % avec le tabagisme [10]. Actuellement, on peut donc avancer que la sédentarité n’est peut-être pas un célèbre gangster. Néanmoins, cette canaille fait des méfaits et des ravages dans votre quotidien qui avec des gestes faciles et simples pourraient ÉVITER qu’elle devienne un jour la nouvelle Al Capone.
René Maréchal | Kinésiologue, M.Sc.
Étudiant au doctorat en sciences de l’activité physique
Centre de recherche sur le vieillissement, Université de Sherbrooke
Références
1. Harvey JA, Chastin SFM, Skelton DA. How Sedentary Are Older People? A Systematic Review of the Amount of Sedentary Behavior. Journal of Aging and Physical Activity 2015;23(3):471‑87.
2. Colley R, Garriguet D, Janssen I, Craig CL, Clarke J, Tremblay MS. Physical activity of Canadian adults: Accelerometer results from the 2007 to 2009 Canadian Health Measures Survey [Internet]. 2011 [cité 2019 avr 1]. Available from : https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S016209081100064X
3. Ryan DJ, Stebbings GK, Onambele GL. The emergence of sedentary behaviour physiology and its effects on the cardiometabolic profile in young and older adults. AGE 2015; 37(5):89.
4. Wullems JA, Verschueren SMP, Degens H, Morse CI, Onambélé GL. A review of the assessment and prevalence of sedentarism in older adults, its physiology/health impact and non-exercise mobility counter-measures. Biogerontology 2016; 17:547‑65.
5. Lerma NL, Cho CC, Swartz AM, Miller NE, Keenan KG, Strath SJ. Isotemporal Substitution of Sedentary Behavior and Physical Activity on Function. Medicine and Science in Sports and Exercise 2018;50(4):792‑800.
6. Schmid D, Ricci C, Baumeister SE, Leitzmann MF. Replacing Sedentary Time with Physical Activity in Relation to Mortality. Medicine and Science in Sports and Exercise 2016;48(7):1312‑9.
7. Healy GN, Wijndaele K, Dunstan DW, Shaw JE, Salmon J, Zimmet PZ, et al. Objectively Measured Sedentary Time, Physical Activity, and Metabolic Risk. Diabetes Care 2008;31(2):369‑71.
8. Gennuso KP, Gangnon RE, Matthews CE, Thraen-Borowski KM, Colbert LH. Sedentary Behavior, Physical Activity, and Markers of Health in Older Adults. Med Sci Sports Exerc 2013;45(8):1493‑500.
9. Stamatakis E, Gale J, Bauman A, Ekelund U, Hamer M, Ding D. Sitting Time, Physical Activity, and Risk of Mortality in Adults. Journal of the American College of Cardiology 2019;73(16):2062‑72.
10. Vallance JK, Gardiner PA, Lynch BM, D’Silva A, Boyle T, Taylor LM, et al. Evaluating the Evidence on Sitting, Smoking, and Health: Is Sitting Really the New Smoking? Am J Public Health 2018; 108(11):1478‑82.
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